Marc-Antoine, français, et Sanja, serbe, se sont rencontrés peu de temps après les bombardements de l’OTAN en 1999. Malgré la méfiance et les différences culturelles, l’amour reste plus fort que l’amertume.
« Chez les Serbes, on sait accueillir. Vous ne pourrez pas refuser notre mousse au chocolat ! » Marc-Antoine a le sourire en coin. Français d’origine, le Serbe qu’il est devenu a le même sens de l’accueil que ses compatriotes d’adoption. C’est sans doute Sanja, jolie Serbe aux yeux verts pétillants, qui le lui a transmis. Sanja, 42 ans, et Marc-Antoine, 48 ans, vivent dans un appartement douillet du centre-ville de Belgrade. De nombreuses peintures tapissent les murs du salon. Montmartre y côtoie une icône de la vierge. Le résumé d’une vie à deux oscillant entre deux langues, deux cultures, deux pays.
Sanja croise le regard bleu de Marc-Antoine par hasard en 2002. Elle, membre d’une ONG nationale, lui ancien casque bleu de retour du Kosovo.
« S’il n’avait pas parlé ma langue, il serait passé inaperçu ! »
Sanja lance un regard taquin à son mari. Trois ans après les bombardements de l’OTAN, les Serbes se méfiaient toujours des étrangers, explique-t-elle.
« A l’époque j’étais un peu gênée qu’il soit français. Ma mère aussi ne le voyait pas d’un bon œil. Mais maintenant, elle l’adore ».
Déjà bilingue quand ils se rencontrent, Marc-Antoine n’a aucun mal à s’intégrer dans son nouveau pays. Issu d’une famille d’expatriés, né en Italie, il a appris à s’acclimater. Catholique, il n’hésite pas à se marier selon les rites orthodoxes avec sa compagne serbe. Loin d’abandonner son identité nationale et religieuse, Marc-Antoine a embrassé les coutumes de sa compagne.
« Pour des raisons logistiques plus que religieuses, on ne célèbre que les fêtes orthodoxes. Deux Noël, deux Pâques, ça ferait beaucoup ! ».
Un jour viendra, les deux époux adopteront le Saint Patron de la famille de Sanja, Saint-Nicolas.
Dans le salon, les chants serbes résonnent. Sanja, elle, s’active aux fourneaux sous l’œil bienveillant d’un coq tricolore peint sur le carrelage mural. L’odeur du chocolat se diffuse dans la pièce, elle dépose une montagne de chantilly dans les coupelles : les mousses sont prêtes. Sanja et Marc-Antoine sont gourmands. Au quotidien, les deux époux cuisinent et mélangent les recettes de leurs pays : quiche Lorraine versus burek (pâtisserie salée serbe). Marc-Antoine a adopté la nourriture serbe. Enfin presque.
« Le fromage français me manque de temps en temps. Un morceau de saucisson et un bon verre de vin aussi. »
Une fois par an, ils plient bagages, direction la France. Après une longue route à travers l’Europe, ils retrouvent la famille de Marc-Antoine. Sanja, comme toujours, est émerveillée, mais pas de quoi la faire changer de nationalité.
« En France, les gens sont plus spontanés. J’aime y aller. Mais je ne voudrais pas m’y installer. Je suis attachée à mes racines. »
Pour mieux comprendre sa belle-famille, Sanja a pris des cours particuliers de français. Le sourire railleur, Marc-Antoine se moque gentiment : « Sa professeure est rapidement devenue une amie, alors les cours… ». Sanja se justifie : « C’est difficile quand on n’entend pas la langue tous les jours ! ». Pour discuter, elle choisit l’anglais, mais comprend parfaitement la langue de Molière. Pour l’instant, pas d’enfant en vue, mais si le ventre de Sanja s’arrondissait une chose est sûre : « Il vivrait en Serbie mais parlerait français ».
Rédaction et reportage: Clémence Guinard et Marie Haynes
(Encadrement: CR et SR)